Il semble que la notion de « Talent » ait été chamboulée au cours des dernières années. Ce terme, auparavant réservé aux personnes à haut potentiel, a été démocratisé et désigne aujourd’hui dans certaines organisations des jeunes diplômés. Il suffirait alors d’être diplômé d’une grande école, de maîtriser l’anglais et d’avoir 25 ans pour en être. Le contexte actuel tend à fragiliser ce modèle tant la société évolue rapidement. Devenu trop rapidement un buzzword que chacun s’approprie selon sa perception, il faut ajuster la manière dont les entreprises accompagnent leurs meilleurs collaborateurs avec une approche plus individuelle et personnalisée.

Qu’est-ce qu’un « Talent » ?

Il faut admettre que la notion de Talents est bien souvent floue. Dans la plupart des organisations, la définition d’un Talent reste même méconnue pour la majorité des employés. En échangeant avec d’autres professionnels des RH, j’ai pu constater que cette définition est liée à la culture de l’entreprise. Certaines caractéristiques sont cependant récurrentes : un Talent a le potentiel et le leadership nécessaires à l’atteinte d’un poste à responsabilité, à plus ou moins court terme. Sa compréhension de l’environnement et sa capacité à s’y adapter sont également primordiales pour les entreprises, qui ne jurent que par les méthodes agiles depuis déjà plusieurs années.  Au regard de ces caractéristiques, il n’est donc pas étonnant de voir que bien souvent, le Talent est uniquement propulsé dans un parcours de management alors que d’autres parcours sont possibles.

A cela s’ajoute un phénomène de prophétie auto-réalisatrice. De fait, une fois qu’une organisation a identifié un Talent, elle l’accompagne au travers de différents programmes pour l’aider à développer ses compétences. Ces programmes comprennent des formations avancées ainsi que des rencontres avec le top management, le tout accompagné d’un suivi accru par le management et les ressources humaines. Plus récemment, ces programmes ont évolué et ont commencé à proposer diverses expériences externes à l’organisation (ou « learning expeditions ») ou autres séminaires censés inspirer ces Talents dans leurs activités quotidiennes.

Avec ce type d’accompagnement, il est donc plus aisé pour un Talent d’atteindre un poste de mangement. Ce mécanisme met alors une partie des employés hors des radars car ils ne sont pas impliqués, ni même considérés, dans ces programmes dédiés.

De plus, les accompagnements mis en place sont trop souvent peu inclusifs. Ils créent des silos et sont propices à la prophétie auto-réalisatrice, ce qui n’est plus viable. Outre le fait d’être orientée vers des parcours managériaux, elle soumet l’individu à la perception de l’entreprise et l’atteinte des objectifs fixés.

Apprendre à apprendre ?

Les collaborateurs doivent apprendre à apprendre

Avec l’avènement du numérique, les organisations ont pu développer rapidement de nouvelles compétences chez leurs employés, que ce soit dans le domaine de la logistique, de l’informatique et même dans les fonctions supports comme le marketing, les ressources humaines ou la finance. De vastes programmes de formation ont été délivrés afin d’accompagner la transformation. Toutefois, au-delà de cet accompagnement ponctuel, il est important de se projeter sur le moyen terme et de considérer la nécessité de continuellement se former pour ne plus se faire distancer. Avec la méthodologie actuelle, la formation est orientée sur des personnes identifiées et non sur une organisation globale. Or, le véritable challenge pour les entreprises se trouve précisément sur cet élément. L’apprentissage doit être orienté sur une organisation dans son ensemble.

Les estimations délivrées par diverses études sur l’arrivée de nouvelles compétences et de nouveaux métiers reflètent une véritable transformation. Dès lors il devient indispensable pour les entreprises d’avoir des personnes capables de se former seules, de façon régulière et grâce aux moyens qui sont mis à leur disposition pour développer des compétences précises qu’elles jugent nécessaires – les personnes les plus performantes étant celles ayant développé une appétence pour l’apprentissage. Dans un grand groupe cosmétique, après avoir mis en place un système de formation basé sur l’autonomie du collaborateur, les personnes coordonnant le programme se sont rendu compte que les personnes les plus demandeuses de formation avait déjà été identifiées comme Talent. J’ai personnellement noté cette corrélation dans plusieurs organisations. La notion de Talent est donc à nuancer en mettant une attention plus orientée vers cette capacité d’apprentissage.

De même il faut que les entreprises donnent plus d’opportunités à leurs collaborateurs pour apprendre et développer cette appétence pour l’apprentissage continu. Les Agile Learners sont donc les Talents de demain.

Les Agile Learners “Talents” de demain ?

Les Agile Learners plus engagés ?

Dans un marché de l’emploi en constante mutation, les personnes ayant le plus de facilité à se former sont celles qui ont le moins de mal à se repositionner sur un autre emploi. Ce sentiment de liberté peut amener un engagement plus fort chez l’individu se sentant plus libre de ses décisions.

Outre cette considération structurelle, cette approche pourrait répondre à des leviers motivationnels identifié par Dan Ariely dans son livre « Payoff, the hidden logic that shapes our motivations ». Les trois leviers qu’il identifie s’articulent tous autour de la notion d’apprentissage.

« Pain and Meaning », est la difficulté que peut rencontrer un individu dans ses missions. Si ces dernières sont difficiles pour lui, il éprouvera une plus grande satisfaction à réussir ce qui lui est demandé. L’Agile Learner aime donc trouver des solutions à ses problèmes en recherchant des solutions de lui-même à travers diverses sources d’apprentissage.

« Money Matter Less », une fois les exigences atteintes, l’argent ne demeure plus un levier motivationnel selon Ariely. L’Agile Learner sera motivé par les avantages que lui proposent sa fonction et son organisation, notamment celle de se développer sur divers sujets et donc d’étendre son expertise en comprenant l’environnement dans lequel il évolue. Le fait de pouvoir concevoir l’engagera dans son travail.

« Our Beautiful creation » est la satisfaction qu’il éprouve à utiliser les informations dont il a pris connaissance pour créer des solutions. Lorsque les solutions sont construites par l’individu, il éprouve plus d’engagement que lorsqu’il applique un protocole.

A travers ces trois leviers, on distingue bien la nécessité de pouvoir proposer aux collaborateurs une organisation qui leur permet de se développer. Ce développement est essentiel car, en plus de s’épanouir dans leur travail, elle doit également promouvoir une culture de l’innovation. De plus, avec la dynamique actuelle, les personnes ayant ces facilités d’apprentissage et ce goût pour l’auto-formation demeureront motivées plus longtemps.

Cette culture auto-apprenante, propice aux Agile Learners est particulièrement présente dans le monde de l’IT, tant le secteur est en constante évolution. Les collaborateurs prennent l’habitude de se former d’eux-mêmes sur des nouvelles solutions qui sont par la suite proposées à leur équipe pour optimiser les processus. Ces derniers ne se limitent pas aux plateformes de formation en ligne disponibles dans les grosses organisations. Ils vont au-delà, chercher l’information là où elle se trouve. Bien entendu ce changement de perception des Talents prendra du temps mais à l’instar des métiers de l’informatique, il est nécessaire que les organisations le prennent en compte et ajustent leur processus de formation.

L’Agile Learner est donc sans doute le Talent de demain, capable de s’adapter plus vite et d’identifier plus rapidement les nouvelles compétences qui sont attendues de lui grâce au savoir qu’il a su acquérir à travers le temps mais également sa capacité à prendre du recul sur ses actions et les ajuster avec l’instant présent. Les organisations ont aussi leur rôle à jouer en permettant une structure laissant plus de place à l’apprentissage et au développement de ses salariés.

Auteur(s)

  • Rédactrice en chef de Change the Work, j'explore le travail sous toutes ses coutures en espérant montrer l'importance du métier RH dans l'entreprise de demain...

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