Les vacances payées, on en a déjà parlé ! Mais les vacances illimitées, en avez-vous déjà entendu parler ? Ce n’est pas une rumeur, les petites et grandes entreprises, start-ups et multinationales proposent désormais à leurs collaborateurs de poser leurs jours quand ils le veulent, et autant qu’ils le veulent. Cet avantage hors-salaire est une véritable révolution dans le sens où elle redéfinit la notion même du travail et contribue à en dissocier l’aspect contraignant qui pourrait y être attaché. Vous avez achevé vos missions, accompli votre rôle et soigné vos tâches ? Reposez-vous, si l’envie et le besoin vous prend.
Ceci dit, cette pratique reste tout de même assez controversée et cet avantage n’en n’est pas un pour tout le monde. Qu’est-ce qui pousse certains à l’appliquer au sein de leur société, et empêche les autres de le faire ?
Vacances illimitées : ces entreprises pour qui ça représente un avantage
Dans la culture Netflix, où figurent des politiques RH innovantes, l’entreprise américaine a cité les vacances illimitées, avantage hors-salaire qu’elle met à la disposition de ses collaborateurs depuis plus de 14 ans. Ce choix sur lequel elle n’est jamais revenue, elle l’a fait quand elle s’est rendue compte que les salariés étaient tellement engagés qu’ils ne comptaient pas leurs heures de travail supplémentaires, et qu’ils ne quittaient pas leurs postes avant d’avoir achevé ce qui leur était demandé. Reconnaissante et soucieuse de vouloir leur rendre la pareille, Netflix s’est à son tour engagée à contribuer à leur bien-être en s’attardant plus sur leurs résultats que sur le temps qu’ils passent à travailler. Virgin, entreprise d’arts et culture, et Expand, agence de recrutement à Brighton, s’en sont justement inspirés. Si pour certains cette initiative produit un manque de responsabilisation, pour ces entreprises c’est au contraire un levier de performance et un facteur de confiance qui ne peut que leur profiter en termes d’acquisition des talents et de rétention aussi, au sein des sociétés. Le site d’emploi Indeed a sauté le pas aussi !
Chez Popchef, start-up qui propose aux particuliers et aux entreprises de leur livrer des repas, les trente employés disposent d’un logiciel où, en un clic, ils notifient leurs employeurs qu’ils ne travaillent pas le jour où ils peuvent se permettre de ne pas le faire. Charles-Henri Tournier, directeur des opérations de Popchef et François Raynaud de Fitte, co-fondateur, donnent l’exemple en prenant régulièrement eux-même des vacances, ce qui soulage les autres collaborateurs comme Hélène Myon, responsable du service Food : “les fondateurs font des siestes et partent autant que nous, ça rassure chacun de voir que tout le monde donne l’exemple” dit-elle. Pour elle, c’est la proximité et la bienveillance qui prime, et qui font en sorte que ce système-là fonctionne. François Raynaud de Fitte est conscient que cet avantage contient des risques, mais à cela, il répond : “ce système n’est pas aimé par tout le monde, mais ici il est viable car on connaît nos salariés et on est très vigilants lors du recrutement. L’autonomie est le critère numéro un pour travailler chez nous“.
Vacances illimitées : pourquoi des réticences ?
Trop beau pour être efficace ? C’est ce que pense Pascal Grémiaux, fondateur d’Eurécia, logiciel de gestion du personnel : “si tout le monde se met à prendre six mois, ça ne peut plus marcher”. Justement, ce n’est pas parce que cet avantage existe que tous les employés peuvent le saisir à tout bout de champs. Les missions doivent d’abord être achevées, et certaines tâches sont interminables, voir s’étendent sur une longue période de temps. Le danger est que les salariés ne puissent pratiquement pas prendre de vacances tout court. D’ailleurs, le syndicaliste Jean-Pierre Kempf en prévoit l’effet pervers, le burn-out : “le salarié a tous les risques de trinquer à cause du stress et de la fatigue“.
De plus, est-ce que le cadre juridique français permet ce genre d’avantage ? Béatrice Brugués-Reix, avocate en droit du travail à Paris, n’est pas certaine d’en voir une compatibilité : “Je pense que les entreprises qui le proposent sont hors réglementation car les conditions ne sont pas définies par la loi et il n’y a pas d’équité entre les salariés”. Selon elle, une inégalité entre les salariés est sous-jacente à cette pratique puisque ces derniers ne pourront pas bénéficier du même nombre de jours de congés. Cette inégalité par la suite, risque d’enclencher des conflits internes, de démotiver les collaborateurs et d’atténuer la cohésion au sein de l’entreprise : cet avantage pourrait donc très vite tourner en un désavantage.