Les territoires zéro chômeur de longue durée sont nés d’une loi d’expérimentation votée à l’unanimité à l’assemblée nationale et au sénat en février 2016. Les objectifs finaux sont de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite un emploi à durée indéterminée et à temps choisi. Cela doit se faire sans surcoût pour la collectivité en développant des activités utiles et en répondant aux besoins des divers acteurs du territoire. Ces emplois sont créés dans des entreprises spécialement dédiées à l’expérimentation : des entreprises à but d’emploi (EBE). De 2017 à 2021, l’expérimentation débute sur 10 territoires désignés par un comité scientifique. Dès 2017, de nombreux autres territoires volontaires sont également mobilisés pour entrer dans l’expérience et pour préparer l’extension de l’expérience dans l’espace et dans le temps. Ensuite, un cahier des charges est établi selon l’expérimentation sur ces territoires volontaires. Ce cahier des charges constitue la candidature des territoires auprès des pouvoirs publics.

Le financement des emplois

Les emplois sont financés à 70% par la réaffectation des coûts dus à la privation de l’emploi (RSA, CMU…) et à 30% par l’entreprise (grâce à l’augmentation du CA dû à l’activité des salariés). C’est dans la manière dont ces emplois sont financés que réside l’idée innovante de départ de l’expérimentation. En effet, l’idée est de voir le RSA comme de l’argent qu’il est possible d’investir dans d’autres activités que le chômage. Avec cette idée, on peut voir les coûts du chômage comme une opportunité d’investissement dans des emplois utile à la société. Ainsi, les chômeurs de longue durée permettent de s’engager dans des activités utiles pour le bien commun tout en valorisant leurs compétences.

Les entreprises à but d’emploi

L’objectif de l’entreprise à but d’emploi est de recruter des chômeurs de longue durée. L’emploi est créé selon les envies et compétences du chômeur en terme de domaine d’activité. Le temps de travail est également choisi par le chômeur et adapté à sa condition (maladie, handicap, enfants à charge…). Avec ce modèle d’entreprise, l’offre et la demande d’emploi est renversée. En effet, l’offre est construite par le chômeur lui même et la demande est formée à travers les besoins au sein d’un territoire en coopération avec le tissu local des entreprises déjà présentes sur place. L’EBE se doit donc dès le départ d’innover dans son mode de fonctionnement. En effet, les besoins recensés sur un territoire qui forment la demande doivent coopérer avec les envies et compétences du chômeur qui représente l’offre.

Il y a donc une co-construction de l’offre et de la demande d’emploi dans une EBE. Cette co-construction se produit avec les chômeurs, les entreprises, les associations présentes sur le territoire et les acteurs publics.

Un management particulier ?

Ce genre d’entreprise nécessite un management particulier qui peut inspirer les entreprises traditionnelles.

La particularité d’une EBE est qu’elle est construite par ceux qui vont ensuite travailler dedans. Cela incite les individus à s’intéresser au développement des activités et à la gestion de celles-ci. Chacun se responsabilise pour créer des conditions qui peuvent amener à être plus créatif, inventif et à stimuler une multitude d’innovations incrémentales. Il n’y a pas une organisation “type” pour une EBE mais une organisation différente pour chaque EBE. Le point commun que l’on peut trouver entre ces EBE est que l’entreprise va s’adapter aux individus, aux entreprises et aux acteurs publics sur un territoire donné. Ces acteurs forment un écosystème dans lequel les EBE s’intègrent.

Ainsi, l’expérimentation se base souvent sur un réseau déjà existant où la culture du développement local est bien ancrée. Le but n’est pas de dénaturer le tissu économique et associatif local mais plutôt de s’y intégrer en coopérant.

Concrètement, la participation de tous au développement des EBE peut s’opérer par la constitution de petits groupes de décisions de 6 à 9 personnes comme dans l’entreprise Emerjean de Villeurbane. Dans cette entreprise, il n’y a pas de structure de pouvoir centralisée mais les prises de décisions s’opèrent collectivement. Par ailleurs, dans l’entreprise TEZEA, première EBE créée en 2017, un groupe de salariés volontaires (8-9 personnes) élus par leurs pairs pour une année, travaillent sur l’organisation de l’entreprise et son évolution.

Quel avenir pour cette expérimentation ? 

L’expérimentation se développe déjà depuis presque 4 ans. Celle-ci devait initialement en durer 5. Une question se pose donc : va-t-on étendre cette expérimentation dans le temps ? Durant le comité interministériel aux ruralités, le jeudi 20 février 2020, Edouard Philippe a annoncé l’extension de l’expérimentation à d’autres territoires sans préciser le calendrier.

« Le bilan est très positif puisque 900 personnes privées d’emploi ont pu être recrutées, dont 750 sont actuellement salariées, décrit le dossier du comité. Le gouvernement a décidé, à l’occasion du comité interministériel aux ruralités, d’élargir le dispositif, en 2020, à de nouveaux territoires et en particulier à des territoires ruraux. »

« C’est une bonne annonce, mais pour nous cela ne fait que confirmer les promesses d’Emmanuel Macron, a réagi Laurent Grandguillaume, président de l’association nationale territoires zéro chômeur. Nous sortons de deux mois de concertations avec le ministère du travail et nous attendons maintenant des précisions sur les territoires concernés et le calendrier. ».

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