Publié en 2014, le livre culte Reinventing Organizations, de Frédéric Laloux fait peau neuve dans une version allégée et illustrée, pratique pour une meilleure compréhension de l’ouvrage. L’auteur anticipe le futur des organisations et propose une nouvelle façon d’encadrer est de diriger les équipes. Le message principal ? Un message d’optimisme face au sentiment largement partagé que nos organisations ont besoin d’un souffle nouveau et qu’elles doivent en finir avec le conflit d’égo et les luttes d’influences.

Reinventing Organizations, Frédéric Laloux 

Les différentes visions du monde selon Frédéric Laloux

Le fil directeur de l’ouvrage est la mise en avant de plusieurs visions du monde, radicalement opposées, souvent chronologiques (même si chacune dans la réalité se superposent).

  • La vision rouge du monde (stade impulsif)

Le plus fort est au sommet de la hiérarchie. Le chef est le garant de l’ordre social, même si l’ordre ainsi institué est fragile puisque le détrônement se fait toujours dans la violence dès que le chef faiblit.

  • La vision ambre du monde (stade conformiste)

Les classes sociales (ou les castes) sont rigides et s’héritent de génération en génération. Chacun doit se conformer au rôle qui est attendu de lui, il doit s’imprégner de l’identité liée à sa position sociale en délaissant la sienne. L’armée, l’Église catholique sont des exemples d’une telle organisation : le changement y est très mal vu, puisqu’il bouleverse l’ordre et les valeurs établis.

  • La vision orange du monde (stade de la réussite).

C’est un monde qui s’interroge, qui cherche à se comprendre pour mieux se modifier. C’est l’époque du capitalisme, de la hiérarchie flexible. Des avancées majeures de ce système sont donc la méritocratie (c’est-à-dire la mobilité sociale), et l’accueil des innovations. Le risque est néanmoins que l’innovation devienne folle (il ne sera pas tempéré par la « conscience sociale » des acteurs).

  • La vision verte du monde (stade pluraliste).

Ici, les insuffisances et les risques de la vision orange sont clairement perçus. Cette nouvelle vision a permis l’autonomisation, la culture des valeurs (qui inspirent et donnent des repères aux salariés), le respect des parties prenantes. Mais il se veut égalitaire tout en conservant le système pyramidal hérité de la vision orange (en compensant cette hiérarchie par un état d’esprit « bienveillant » des managers).

la vision ambre des organisations
Vers où nous mènent ces visions ? Quelle autre vision viendra régler les paradoxes de la vision verte du monde ?

La vision Opale du monde : des organisations plus agiles et évolutives

Comment se définit cette vision du monde par rapport à celles qui l’ont précédée ? « Le monde doit être un lieu de déploiement individuel et collectif ». Cette phrase dit beaucoup avec peu de mots : il s’agit de laisser son égo et sa peur (du changement, de ne pas être à la hauteur, du jugement des autres) de côté. Mais quelles avancées permettent ce type d’organisations ?

L’autogouvernance

Cette responsabilisation surprend jusqu’à Frédéric Laloux lui-même, au cours de son étude de différentes organisations (lucratives, non lucratives, de secteurs variés, mais toujours avec plus de cent salariés). L’auteur s’attendait en effet à des échelons de management réduits, mais en réalité il n’en a parfois trouvé aucun. La suppression de ces strates ne découle pas seulement de l’envie de se donner un supplément d’âme, mais de celle de mieux faire face à la complexité, car « la hiérarchie ne sait pas gérer la complexité », elle fonctionne comme un goulet d’étranglement. Plusieurs malentendus subsistent néanmoins autour de l’autogouvernance :

  • « L’autogouvernance, c’est l’anarchie ». En réalité, l’autogouvernance est un mode de coordination dans lequel chacun garde un rôle, et des processus règlent la prise de décision (Voir l’exemple ci-dessous avec Buurtzog).
  • « L’autogouvernance, c’est des réunions à n’en plus finir » : à l’inverse de la vision verte du monde où on recherche le consensus absolu, il s’agit plutôt dans la vision opale de récupérer un maximum d’avis puis ensuite de prendre la décision adéquate. Le principe de subsidiarité est ici complètement appliqué.
  • « L’autogouvernance reste expérimentale ». Un contre-exemple suffit : Gore-Tex est une « entreprise libérée » depuis 1958, date à laquelle elle a responsabilisé ses employés, ce qui les a considérablement motivés.

La plénitude

« Nous sommes nombreux à penser qu’il vaut mieux jouer la prudence, cacher notre être véritable sous un masque professionnel et laisser une partie de nous même derrière nous quand nous enfilons notre tenue de travail ».

Il est vrai que se dévoiler complètement et dire tout ce que l’on pense met notre place dans l’entreprise en jeu, ce qui est risqué. Mais une fois le moi profond hors-jeu, l’égo et les jeux mesquins sont tout ce qui nous restent. Il existe toutefois, pour déployer son moi profond, un dénominateur commun sur lequel il faut être intransigeant pour s’autoriser la plénitude : il faut des références communes, bannir l’hostilité, les sarcasmes et le mépris.

La raison d’être évolutive

La peur prédispose les dirigeants et les salariés à voir le monde comme un endroit dangereux dans les paradigmes rouge, ambre, orange et même vert. La concurrence est l’obsession. Mais pour Frédéric Laloux, si une entreprise a une haute raison d’être, il n’y a plus de concurrence.

Réinventer les organisations
La hiérarchie ne sait pas gérer la complexité, elle fonctionne comme un goulet d’étranglement.

Une vision du monde partagée par certaines organisations

  • Chez Favi, cette entreprise française de 500 salariés qui construit des fourches de boîtes de vitesse a une organisation pour le peu originale. Pas de pointeuse, pas de serrure à la porte de la réserve, pas de retenue sur le salaire en cas de retard, plus de réfectoire réservé aux managers : l’engagement affectif des salariés a permis de se lancer dans la vision opale du monde. De même, l’usine se divise elle-même en treize « mini-usines », chacune dédiée à un gros client automobile. Dans chacune de ces usines, les commerciaux et les ouvriers collaborent, ce qui permet d’être au plus proche des attentes de leurs clients. Tout se gère à l’échelle de cette mini-usine, les organisations sont donc très décentralisées, et les délais sont donc toujours respectés.

 

  • Buurtzog a été créé en 2006 par Jos de Blok, elle a révolutionné le secteur du « soin de quartier » aux Pays-Bas. Avant, les tâches des soignants étaient chronométrées, les infirmières étaient hiérarchisées en fonction de leurs compétences et du niveau de complexité des soins. Elles changeaient aussi fréquemment de patients : ceux-ci n’étaient pas écoutés, mais seulement piqués, celles-là devenaient progressivement des robots.

Avec Buurtzorg, chaque patient a désormais au maximum deux soignants, ces derniers se désignent aussi eux-mêmes pour accomplir certaines tâches administratives. Il n’y a plus de hiérarchie : leur métier est « de soutenir et d’aider leurs patients » (ce qui passe par l’écoute, des dialogues souvent longs), et non plus de piquer et de changer des bas.
Buurtzorg fait donc partie de ces pionniers qui réinventent le management. Autre exemple frappant : leur façon collégiale de gérer la prise de décision. Jos de Blok soumet une décision possible sur un blog où il récupère plusieurs avis des gens directement concernés : les soignants. Ensuite, il avise : soit il prend la décision, soit il s’autorise plus de temps pour réfléchir à la vue des problèmes soulevés dans les commentaires, soit il délègue à plus expert que lui.

 

Reinventing Organizations propose donc de passer à un nouveau stade, évolutif, qui aurait ainsi pris en compte les insuffisances des modèles précédents. Un stade qui répondrait donc aux aspirations profondes des hommes dans le milieu de l’entreprise. Comme les visions qui la précèdent, il s’agit d’un état d’esprit plus que d’un modèle, mais ça n’empêche pas la vision opale du monde d’être raisonnable et efficace dans nos organisations.

 

Reinventing Organizations, Frédéric Laloux 

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