Le soir du 15 juillet, on l’aura soit entendu, soit crié : la France a remporté la coupe du monde de football cette année ! De ce tournoi, elle sort championne, pour la deuxième fois depuis 1998. 23 joueurs d’une moyenne d’âge de 25 ans et 10 mois,  ont été sélectionnés par Didier Deschamps pour disputer cette coupe en Russie. Si cet événement a duré du 14 juin au 15 juillet 2018 pour les spectateurs et supporters, l’aventure en elle-même a commencé pour les Bleus à l’Institut National du Football de Clairefontaine le 23 mai, centre de préformation français où ils se sont rencontrés, et où leurs entraînements collectifs ont débuté.

Suite à cette victoire, nous nous sommes interrogés sur le succès de l’équipe de France : comment a-t-elle réussi ? Le documentaire “Les Bleus 2018, au cœur de l’épopée russe” qui retrace leurs péripéties sur TF1, nous a aidé à tirer quelques perspectives d’analyses justement centrées sur le management de Didier Deschamps et le bain immersif dans lequel se sont retrouvés les joueurs.

Comment faire le rapport entre le management d’une équipe de football et celui d’une entreprise ? S’inspirer des pratiques de l’une pour favoriser le succès de l’autre, c’est possible… En voici les détails.

Les Bleus : comment “recrute” Didier Deschamps ?

Les Bleus : comment "recrute" Didier Deschamps ?

Qui va jouer à la coupe du monde ? Que ce soit pour les candidats, les amateurs, et toute l’étendue du public restant, c’est une des questions qui génère le plus de suspens, tous les quatre ans, à l’occasion de cette compétition internationale de football. Il s’agit bien d’un sport où il faut défendre le ballon de son équipe et le faire pénétrer dans les buts du camp adverse : pour beaucoup, c’est une activité d’ordre physique à laquelle on s’adonne pour le plaisir. Pour les joueurs qui y postulent, cette activité est un réel travail, à la fois individuel et collectif, et se joue également au niveau du mental. Le football, c’est leur métier.

Le critère principal de la sélection – et ça va de soi – est alors sportif. Les compétences techniques sont essentielles et constituent donc la base de ce “recrutement” comme pour tout autre potentiel emploi dans le monde du travail. Si en entreprise on parle de ressources humaines, c’est tout un “staff” propre à l’équipe de France qui construit, ou contribue à construire la liste des heureux participants : le sélectionneur Didier Deschamps a, à ses côtés, l’entraîneur adjoint (Guy Stéphan), l’entraîneur des gardiens (Franck Raviot), le préparateur physique (Grégory Dupont) et 6 autres spécialistes de la santé. “On a bouffé un sacré nombre de matchs  {…} Didier nous écoute, demande conseil, mais prend la décision finale” déclare son bras droit, Guy Stéphane. C’est un maximum de données et d’information qu’ils doivent rassembler pour tenter de délibérer, avec pour objectif – attention – “ne pas forcément réunir les 23 meilleurs, mais de former le groupe qui semble le plus apte à aller le plus loin dans la compétition” atteste Didier Deschamps.

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? Il explique que “les qualités footballistiques sont essentielles, mais l’aspect social et l’état d’esprit sont aussi très importants”. Avant tout, il cherche à construire une équipe dans laquelle 23 professionnels vont vivre ensemble une aventure commune. Ce “vivre ensemble” se traduit par la cohabitation, les entraînements, soins et déplacements collectifs, ce qui devrait leur permettre de se préparer à jouer les rencontres sportives. Dans cette recherche d’équilibre et pour une efficace gestion des égos, comment ne pas peser hard skills et soft skills ? D’ailleurs, à la première réunion qui les rassemble – celle du onboarding où l’accueil est chaleureux puisque tout le monde s’entrelace -, c’est une des premières déclaration qu’il leur fait : “je vous fait confiance. Je vous ai choisi individuellement pour vos capacités sportives, et aussi vos qualités humaines.

Les Bleus : comment travaillent-ils ensemble ?

Les Bleus : comment travaillent-ils ensemble ?

“On a besoin de se parler beaucoup, d’avoir des automatismes. On se connait plutôt pas mal, mais c’est vrai qu’on a chacun nos habitudes tout au long de l’année dans nos clubs respectifs, et là, on a besoin de parler le même langage football, de savoir où sont les partenaires sans même les regarder” déclare Raphaël Varane, défenseur parmi les Bleus, dans le documentaire qui leur est dédié. Les membres de l’équipe sont conscients qu’un joueur n’ira pas décrocher le trophée tout seul, et comment ne pas l’être quand leur coach et sélectionneur leur répète sans cesse : “la force collective, je vous en parle souvent. Vous êtes aussi forts que possible individuellement, mais cette force-là, ensemble, est capitale“. N’est-ce pas aussi la raison pour laquelle, en entreprise, la notion d‘intelligence collective fait de plus en plus surface ?

Les séances de tactiques, de positionnement et d’organisation s’enchaînent : poser les stratégies d’action et les mettre à effet sur le terrain fait partie de leur travail de tous les jours. Après les entraînements, et suite à chaque match, ils visualisent ensemble des séquences de leur jeu pour en tirer le négatif et le positif. Adaptation et réadaptation sont mots clés. Plus encore, ils sont invités à jouir d’une certaine liberté quant aux offensives, et à prendre des risques quand ils sentent qu’ils peuvent ou doivent le faire. En théorie comme en pratique, Didier Deschamps les accompagne :  “je ne veux pas leur apprendre à dribbler, à frapper, à faire une passe. C’est des connexions à travailler et répéter, pour avoir des affinités jusqu’à avoir des automatismes, que ça se passe du mieux possible” affirme t-il.

Habiter, manger, chanter et danser ensemble sont donc des activités qui font, elles aussi, partie de ce cadre préparatoire. Elles riment avec cohésion, et les liens qui se tissent finissent par transcender l’ordre professionnel. Il n’est pas rare, avant les matchs et durant la mi-temps, de voir et entendre des joueurs prendre inconsciemment le rôle de leaders et crier : “on le mérite. Tout le travail qu’on a fourni, on a trop attendu, on a trop travaillé” ou encore “on y va tous les gars, on va travailler ensemble, on est une famille“. Une culture, un esprit. Ce n’est pas pas pour rien d’ailleurs que le sport et les activités extra-professionnelles, entre collaborateurs, sont des pratiques de plus en plus mises en oeuvre.

L’espace de travail, lui aussi, est aménagé pour que les joueurs puissent bénéficier des meilleures conditions d’entraînements physiques et de bien-être psychiques. Partout où ils se déplacent, ils sont entourés par des éléments de la nature et des installations favorables à leurs conditionnement. En Russie, ils ont même eu droit à des chambres personnalisées, ce qui n’a pas manqué de les enthousiasmer : “c’est magnifique ce qu’on vit. Il faut le vivre à fond. Je suis comme un enfant, c’est trop beau.”

Enfin, peut-être que la phrase préférée de Didier Deschamps cette saison fût “il faut aller chercher plus loin“, et les Bleus l’ont fait. Ils ont été décroché cette coupe à Moscou, pour la balader le lendemain, à Paris.

 

Auteur(s)

  • Passionnée par les innovations managériales et les éternelles révolutions du monde du travail, j'accompagne les sociétés dans l'évolution de leurs organisations et leurs pratiques. Bref, Tocqueville le jour, Hemingway la nuit !

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