En 2006, la biscuiterie française Poult a entrepris un long chemin d’innovation managériale. Suite à un plan social assez violent en 2002/2003, Carlos Verkaeren, ex PDG de Poult, a décidé fin 2006 de modifier le fonctionnement de l’entreprise. Grâce à plusieurs lectures inspirantes (par exemple « La fin du management » de Gary Hamel) et la rencontre avec Ricardo Semler de Semco, est née chez Carlos Verkaeren la volonté de remettre l’humain au centre de son organisation. Découvrez les différentes étapes qui ont caractérisé cette profonde transformation, avec la vision de Jérôme Introvigne, ancien directeur du management de l’innovation au sein de Poult.

Favoriser l’autonomie et la responsabilité avec la suppression du middle management

Avec 5 usines en France et 1700 salariés, c’est sur son site de 900 salariés de Montauban que le deuxième fabricant français de biscuits a initié son changement organisationnel. En 2006, le site a été fermé pendant 2 jours pour réunir tous les collaborateurs en leur annonçant la volonté de changement du groupe et en leur demandant de la coopération pour accompagner ce dernier. L’idée fondatrice de cette innovation managériale : donner plus d’autonomie aux collaborateurs.

Durant les années suivantes, plusieurs bases de la nouvelle organisation de l’entreprise ont été jetées avec un raccourcissement des circuits de décision, avec moins de management, de reporting et de contrôle, tout en favorisant l’autonomie et la responsabilité de tous les salariés. Notamment, deux niveaux hiérarchiques ont été supprimés et le travail a été divisé par équipes et projets.

innovation managériale

Décision encore plus surprenante et innovante, le comité de direction a été remplacé en 2010 par des équipes transversales, mêlant toutes les fonctions de l’entreprise et réfléchissant à la stratégie de chaque produit du groupe. L’entreprise souhaitait ainsi encourager tous ses collaborateurs à la prise de risque et à la participation au processus décisionnel de Poult. La suppression des échelons hiérarchiques a permis de reconnaître les compétences de chacun pour remettre l’homme au cœur des décisions et découvrir le vrai potentiel de chaque salarié. Ainsi, l’attribution des investissements dans l’entreprise est validée par un collectif de 15 personnes représentatives de toutes les communautés de l’entreprise. Ne s’arrêtant pas à l’innovation managériale, l’entreprise a aussi créé un incubateur interne pour pouvoir accompagner les projets disruptifs de ces collaborateurs.

Le travail effectué par l’entreprise en innovation managériale a été récompensé en 2010 par le Trophée du Management de l’Innovation.

L’innovation managériale chez Poult vu par Jérôme Introvigne

Présent en tant que membre du jury au Hackathon du Management le 19 Septembre dernier, Jérôme Introvigne, ancien directeur du management de l’innovation au sein de la biscuiterie Poult, nous fait part de sa vision de l’innovation managériale entreprise chez Poult. 

innovation-Poult-compétences ” Au début, l’initiation du changement au sein de Poult avait plutôt comme objectif l’innovation de produit. Dans un premier temps, nous avons agrandi l’équipe R&D et Marketing.  Mais, petit à petit, nous nous sommes rendus compte que nous pouvions aller plus loin dans le changement et repousser les limites d’une simple innovation produit pour rejoindre l’innovation managériale.

Ainsi, nous avons engagé le mouvement de l’entreprise dans une culture plus collaborative et un management plus souple. En 6-7 ans, nous avons repoussé les grands paradigmes du management, avec la vision verticale du travail qui est devenue horizontale, jusqu’à revoir complètement le système de fixation des salaires et de définition des investissements de l’entreprise.

Nous nous sommes engagés dans une aventure folle qui nous a menés très loin avec comme résultat une entreprise plus enthousiasmante et plus efficace. Poult a commencé à mieux fonctionné, avec des parts de marché en pleine croissance et des salariés plus satisfaits et engagés comme nous l’ont démontré le taux de turnover et d’absentéisme qui se sont effondrés. 

Dans les entreprises, il faut se rapprocher d’un modèle démocratique, plus efficace d’un point de vue social et d’un point de vue économique. Aujourd’hui, les entreprises sont encore très loin de la démocratie et fonctionnent avec un système féodal basé sur une  appropriation de territoires et de pouvoirs qui va avec.

Pour initier l’innovation managériale, il faut donc remettre en question les modes de fonctionnement et les pratiques utilisées au sein d’une entreprise. Il a fallu au moins 3 ou 4 ans pour réécrire les missions de Poult et arriver à en faire une entreprise citoyenne en incluant les notions de démocratie et de reconnaissance des collaborateurs. En 2010, nous avons lancé un des premiers réseaux sociaux d’entreprise en détournant notre CRM relation clients. L’objectif était de donner la parole aux équipes, pour qu’elles partagent l’information de façon équitable. Cet outil était parfait pour commencer à supprimer l’organisation en silo fonctionnel. Aujourd’hui, il existe des outils exceptionnels pour développer du collaboratif (comme slack par exemple). L’outil modifie l’usage. Cela représente un vrai chamboulement dans l’organisation hiérarchique et sociologique de l’entreprise.”

Convaincu de l’importance de la collaboration et de la bienveillance en entreprise, Jérôme Introvigne a quitté Poult, pour créer en Janvier 2015 une plateforme de partage de compétences, Skiller.  

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